Les villes et l'éducation pendant la COVID-19 : Quels sont les points à retenir ?

Les villes et l'éducation pendant la COVID-19 : Quels sont les points à retenir ?


Dans le monde entier, les villes jouent un rôle central dans la réponse à la crise de COVID-19, notamment dans le domaine de l'éducation (UNSG, 2020 ; UNESCO, 2020). En partenariat avec les ministères de l'éducation et les acteurs locaux, les villes ont pris des initiatives intersectorielles pour soutenir la continuité de l'apprentissage et assurer la réouverture des écoles en toute sécurité. Dans le cadre du projet de recherche "Villes et éducation 2030", deux expertes de l'IIPE ont interrogé des responsables de trois villes à travers le monde afin de tirer les leçons de leur expérience face à la crise. Un expert de l'Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie (UIL) nous a également fait part des réflexions du Réseau mondial des villes apprenantes. Cet article décrit les principaux enseignements tirés par ces professionnels pour une gestion efficace de la crise au niveau des villes.

1. Anticiper et se préparer à différents scénarios 

Les villes ont un rôle clé dans l'interprétation et la mise en œuvre des décisions politiques nationales au niveau local. Cependant, "il y a eu des signes de frustration lorsque les villes ne peuvent pas compter sur le gouvernement national pour obtenir des conseils clairs et à temps, alors que sur le terrain, elles doivent agir très rapidement", déclare Alex Howells de l'UIL. Dans un contexte en constante évolution et souvent sans orientation claire, les villes ont dû anticiper et se préparer à différents scénarios, et analyser leur impact sur les principales parties prenantes : enfants, parents, enseignants, bureaux locaux d’éducation, services techniques de la ville, etc. Lorsque nous avons anticipé des scénarios, nous avons été beaucoup plus sereins", explique le directeur de l'éducation d'Orvault, en France. Lorsque l'information n'est pas disponible, la capitalisation de l'expérience, le questionnement et l'activation de réseaux pour obtenir des réponses du ministère de l'éducation ou des services de santé sont des étapes nécessaires. 

2. Renforcer la collaboration intersectorielle

Les villes qui ont une culture de partenariat de longue date sont mieux équipées pour faire face à ce contexte sans précédent. En France, une solide collaboration entre l'administration de la ville et les représentants du ministère de l'éducation nationale au niveau local est apparue comme l'ingrédient principal d'une gestion de crise réussie pour répondre à la pandémie. 

La crise révèle le rôle central des villes dans la mise en relation de l'éducation avec d'autres secteurs et acteurs. "Nous avions déjà une équipe dédiée à notre coordination du point de vue social et sanitaire, ce qui nous a permis d'appliquer ces canaux à d'autres secteurs", déclare l’élue à l'éducation de Viladecans, en Espagne. Maintenant, nous servons de lien entre les deux secteurs". À Huejotzingo, au Mexique, les liens étroits établis avec des entreprises privées locales et des organisations non gouvernementales ont facilité la fourniture d'équipements sanitaires, y compris de masques, aux écoles. "La clé du succès", explique le maire de la ville, est la suivante : "en tant qu'autorités, nous devons impliquer d'autres secteurs. Nous devons nous engager sur la question de l'éducation afin que d'autres secteurs se joignent à nous".   

3. Communiquer avec la communauté scolaire

L'un des principaux atouts des villes dans la gestion des crises est leur proximité avec les citoyens. Le directeur de l'éducation à Orvault rapporte que, dans cette ville, "les citoyens n'attendent pas d'instructions de l'État, mais du maire". Les canaux de communication à double sens entre la ville et les communautés éducatives locales sont donc essentiels. Si la ville doit s'assurer que les informations parviennent à tous les publics, elle doit également être prête à recevoir les retours des directeurs d'école, des enseignants, des familles, du personnel des cantines scolaires, etc. et à y donner suite. Des efforts de communication continus sont importants pour établir la confiance, ce qui est essentiel dans un tel contexte. L’élue à l’éducation de Viladecans explique que "le rôle des administrations (...) est de créer des espaces de confiance et de tranquillité d'esprit, en particulier dans les écoles".

4. Cibler les apprenants les plus défavorisés

C'est au niveau de la ville que l'on trouve la connaissance approfondie du contexte local qui est nécessaire pour développer des actions ciblées et pertinentes pour les apprenants les plus vulnérables. Les villes peuvent mobiliser les ressources locales pour fournir aux familles défavorisées un soutien matériel et socio-émotionnel. L’élue à l’éducation de Viladecans rapporte que leur connaissance du terrain "nous a permis de répondre très rapidement aux besoins des écoles et des familles en fournissant des contenus éducatifs quotidiens, une aide en matière de connectivité et d'appareils numériques et, surtout, un soutien émotionnel".

5. Construire des ponts entre l'éducation formelle, non formelle et informelle

La pandémie a mis en évidence la complémentarité entre l'éducation formelle, non formelle et informelle. Les villes jouent un rôle majeur dans l'éducation non formelle et informelle, qui a été essentielle pendant la pandémie. Le fait d'impliquer davantage les villes dans la planification de l'éducation formelle (au-delà des seuls bâtiments et équipements scolaires) pourrait assurer une meilleure complémentarité entre les différentes opportunités éducatives. Le maire de Huejotzingo explique : "Les villes ne peuvent pas se limiter aux infrastructures physiques. Leur participation est nécessaire à la fois dans la planification de l'éducation du système formel et dans le développement de programmes axés sur les droits des citoyens par des mécanismes non formels et informels".

6. Se connecter avec d'autres villes 

La participation à des réseaux d'échange permet aux villes de réduire leur isolement et de partager leurs expériences. "Les villes veulent être en contact avec les autorités locales qui sont plus proches d'elles que les gouvernements nationaux. Dans certains pays, nous observons l'émergence de "régions apprenantes"", explique Alex Howells. Au Mexique, par exemple, les villes qui font partie du Réseau mondial des villes apprenantes ont créé un sous-groupe de villes apprenantes. En France, des directeurs de l'éducation des villes ont tenu des réunions virtuelles hebdomadaires organisés par l’Association nationale des directeurs et cadres de l’éducation des villes (ANDEV), afin de partager des informations et des bonnes pratiques.

La pandémie de COVID-19 a souligné les contributions agiles et créatives que les villes peuvent apporter à la réalisation de l’Objectif de développement 4 lié à l’éducation. Lors de la planification de la réponse aux crises, les gouvernements nationaux ont tout à gagner à développer des cadres de coordination et de soutien avec les villes. 

Candy Lugaz et Chloé Chimier coordonnent le projet de recherche "Villes et éducation 2030" de l’IIPE-UNESCO.

Cet article a été publié la première fois en anglais sur le site Education for Safety, Resilience and social Cohesion 





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